Lorsque les gens parlent de Los Angeles les clichés sont souvent ceux de la ville tentaculaire,
dangereuse, laide et à l’architecture inexistante. Je n’ai jamais partagé cette opinion. J’adore Los Angeles et je trouve que c’est un endroit magnifique et une ville plutôt calme.
Il est vrai que mis à part quelques gratte-ciel à Century City et Downtown, Los Angeles
est une ville plate qui s’étale à l’infini de la mer jusque sur les montagnes. Les maisons y sont basses, construites en bois et la plupart du temps des quartiers résidentiels surgissent entre
deux autoroutes ou deux artères très fréquentées. On trouve ainsi quantité d’oasis de tranquillité en pleine ville, et cela peu importe le quartier.
Dès mon arrivée à LA, je m’extasiai de tout : les voitures qui roulaient en produisant juste
un murmure (combinaison, des boîtes automatiques et de la largesse de rues), les souffleuses de feuilles qui étrangement faisaient moins de bruit qu’en Europe et les voisins qui semblaient se
connaître et se respecter.
Je fis plusieurs séjours de longue durée dans la ville où vos rêves sont censés devenir
réalité.
La première fois comme je n’y connaissais rien et que l’endroit que j’allais fréquenter était le
site des studios Universal, je laissai la dame de la société de location d’appartements me conseiller. Le problème était de trouver un immeuble qui acceptait les chiens. Jamais facile de trouver
un appartement meublé pour une courte période qui accepte les animaux domestiques. C’est ainsi que j’atterris à Glendale. Glendale est dans la vallée et il y a aussi un cliché qui fait croire à
certains que la vallée pourrait être un endroit louche ou habité uniquement par des gens de basses couches sociales, bla, bla, bla. Ce n’est pas vrai puisque Studio City se trouve aussi dans la
vallée ainsi que Pasadena qui était le Beverly Hills des années quarante et cinquante. Bref, à Glendale il y a de très jolis quartiers résidentiels et de superbes centres commerciaux. La raison
principale pour laquelle la vallée est considérée comme un endroit de second choix est qu’elle est comme une cuve, que la pollution y stagne et qu’il paraît qu’il y fait étouffant de chaleur
durant l’été. Mais j’ai pu constater qu’à Los Angeles la pollution s’étend encore loin au dessus de la mer et donc l’argument que l’on a plus d’air à Malibu est aussi un cliché dont la
véracité n’a pas encore été scientifiquement prouvée – du moins à mes yeux.
Je louai ce que l’on appelle ici une townhouse, ou maison de ville. Il s’agit d’une petite
maison à un étage qui fait partie d’un ensemble résidentiel. Ce qui veut dire qu’il y a des voisins mitoyens des deux côtés. Je ne me souviens d’aucun bruit venant de ce côté, la totalité du
complexe était extrêmement calme. Côté rue il n’y avait que le bruit des skate-boards des enfants qui jouaient le week-end et les bips - plutôt sonores – des commandes à distances des voitures,
ce qui était assez embêtant car les gens partaient de chez eux vers cinq - six heures du matin (certaines personnes ayant l’habitude de se farcir tous les jours une à deux heures de trajet pour
se rendre au travail). Le bruit le plus spécifique à Glendale se produisait la nuit et était tout aussi énigmatique qu’inattendu : très puissant, il faisait penser à une locomotive à vapeur.
Intriguée, je finis par découvrir qu’il y avait une voie de chemin de fer non loin et qu’à cet endroit précis elle croisait une route, c’était tout bonnement le klaxon du train – horn étant un mot plus approprié pour décrire ce son-. Je n’ai plus jamais entendu quelque chose de semblable par la suite car lors de mon deuxième séjour, les
circonstances ont fait que je me retrouvai à louer la maison d’une amie d’une amie à Studio City. Il s’agissait également d’une townhouse dans
un quartier où pratiquement tout le monde travaillait dans le cinéma.
A peine arrivée, je remarquai un chantier à proximité. On construisait un immeuble de quatre
étages, entièrement en bois. Je devinai immédiatement ce que cela voulait dire : point de grasse matinée. Et effectivement chaque jour de la semaine je me réveillais dès 7 heures au son de
marteaux qui frappaient les panneaux de bois aggloméré. Au début ce n’était guère un problème puisque sujette au décalage horaire j’étais sur pieds dès cinq heures du matin mais progressivement
c’est devenu de plus en plus ennuyeux.
Moi qui au début avais considéré ces constructions en bois d’un air supérieur : 1.) venant
d’un pays où la brique est reine - ne dit-on pas que « le Belge a une brique dans le ventre » ? pour signifier que les Belges on l’immobilier pour investissement de prédilection..
2.) Comment pouvait-on dépenser plusieurs millions de Dollars pour une baraque en bois - même celles de Beverly Hills sont en bois-. Je finis par en mesurer les avantages : des
chantiers rapides et peu dérangeants. On ne démolit pas, on démonte et pour construire, quelques clous suffisent et croyez-moi, il y a une sérieuse différence entre des coups de marteau et le
bruit d’un marteau piqueur ou même d’une foreuse.
Côté voisins, j’eus la très désagréable sensation d’être une chèvre même outre l’Atlantique. Le
bruit ne me lâcherait donc jamais. Alors qu’en face de chez moi, il y avait des voisins hyper calmes que l’on ne voyait pratiquement jamais et n’entendait pas davantage, juste à côté de moi
vivait une jeune femme plus ou moins bizarre qui écoutait bruyamment la télévision. Mais lorsque je dis bruyamment, c’est vraiment bruyamment : les fusillades et les concerts rocks comme si
vous y étiez. Etrangement, le son montait de plus en plus vers dix heures du soir pour culminer en un bouquet final vers minuit, comme si elle s’endormait devant la télévision avec le doigt
appuyé sur le bouton son de sa télécommande.
J’essayai de supporter les choses sans rien dire pendant quelques temps, mais j’avais beau fermer
toutes les portes qui pouvaient atténuer le bruit, rien n’y faisait.
Finalement je décidai d’appeler la propriétaire à la rescousse. Je lui exposai le problème en
avouant que je ne savais pas comment gérer la situation. Je savais qu’en Europe lorsque l’on disait à quelqu’un qu’il dérangeait, il se mettait à déranger encore plus, mais j’ignorais comment
réagissaient les Américains dans un cas pareil. Elle promit de s’en occuper et déclara qu’elle rappellerait plus tard. Lorsqu’elle le fit, elle m’annonça qu’un voisin en charge de la copropriété
allait parler à cette dame qui apparemment avait un problème d’audition. Le problème fut réglé le jour même : plus de télé qui hurlait. C’est ce que l’on appelle l’efficacité américaine.
Dans un pays où le client est roi, le propriétaire se doit d’écarter tout trouble de jouissance dont aurait à se plaindre son locataire. Une notion qui s’est étrangement perdue sur le vieux
continent (ou qui n'a jamas existé, surtout en Belgique où le client ne vaut rien). Le capitalisme a quand même du bon...
De l’autre côté, j’avais des voisins mexicains, ce qui faisait très couleur locale. Surtout lorsque
ledit voisin avait des poussées de mariachis a cinq heures trente du matin (heure à laquelle il se levait pour aller travailler). J’eus l’impression d’être Jean-Paul Belmondo dans Le
Magnifique.
Je présageais le pire pour les fêtes du Nouvel An, mais il n’en fut rien. Les mariachis furent un
cas isolé qui ne se reproduisit plus. Sans doute un coup de blues dû au mal du pays…
A Los Angeles, c’est surtout du ciel que viennent les ennuis sonores. L’aéroport de Burbank était
tout proche, et les avions décollent pratiquement au rythme d’un par minute. Connaissant l’état de la flotte aérienne des lignes internes, je m’attendais tout le temps à ce qu’un réacteur me
tombe sur la tête. Mais ce sont surtout les hélicoptères de la Police qui quadrillent la ville en permanence qui dominent le paysage auditif. Il suffit que quelque chose se passe sur une
autoroute ou qu’un délit soit signalé pour que tout de suite un hélicoptère soit dépêché sur place, talonné de près par l’hélico de CBS News (les paparazzi de l’info). Ils me réveillaient
pratiquement toutes les nuits. Le pire c’est qu’ils sont capables de faire du sur place pendant une bonne dizaine de minutes. J’avais beau les envoyer mentalement au diable, rien n’y faisait.
Armés de puissants projecteurs, ils traquent les fuyards jusque dans les moindres recoins de la ville.
Lorsque ce ne sont pas les hélicoptères, ce sont les voitures de Police qui filent toutes sirènes
hurlantes sur les grands boulevards environnants, juste pour nous rappeler que la ville n’est pas aussi sûre que l’on pourrait finir par le croire et qu’il n’est jamais très indiqué de dormir sur
ses deux oreilles. Mais le bruit qui surclasse tous les autres est celui des sirènes de pompiers : absolument impressionnant. Lorsque l’on sait que toutes les maisons sont en bois et
qu’elles peuvent cramer en dix minutes, on comprend le branle bas de combat qui accompagne chaque alerte à l’incendie. La première fois où j’ai entendu le bruit d’une sirène de camion de pompiers
j’ai bien cru à la fin du monde. Personne n’oserait se mettre en travers de leur chemin dans ces conditions.
Une autre particularité à Los Angeles est la rapidité d’exécution des travaux. Lorsque je découvris
qu’il allait y avoir des travaux de réparation de la toiture chez nous, je fus assez ennuyée que cela tombe juste pendant mon séjour (toujours la chèvre) mais une fois de plus je fus étonnée des
usages locaux. Un camion débarqua un groupe de mexicains. Une journée chrono pour arracher le revêtement existant. Une autre journée pour poser le nouveau et hop, les travaux étaient terminés.
Pareil pour les jardins. J’ai vu des jardiniers transformer un champ de bataille en un jardin ordonné en deux jours, pose du gazon comprise. Il est rare de voir un jardinier rêvasser sur sa
pelle en fumant une cigarette. Dans ce pays, on est là pour travailler et comme la nuit tombe assez tôt en hiver, on a intérêt à se dépêcher. Résultat si bruit de travaux il y a, il ne dure
jamais très longtemps.
Par la suite j’ai trouvé une résidence très bien située dans le coeur de Los Angeles. Elle est
tellement bien située que j’y suis retournée plusieurs fois. Son seul inconvénient est qu’elle se trouve sur un grand boulevard, mais les appartements qui donnent vers les jardins intérieurs ne
le savent même pas. Le complexe étant composé de cinq immeubles j’ai fini par apprendre par cœur les plans et les numéros des appartements. Ainsi dès que l’on me proposait un appartement au
téléphone je savais quel genre de bruit y sévirait. Pour l’un c’était la piscine et les enfants qui sautaient dedans à tout moment en poussant des cris stridents, pour l’autre la porte en fer
donnant accès à la piscine et qui se refermait avec un son métallique – même pendant la nuit car certains faisaient des raccourcis par la piscine en rentrant tard le soir - ou encore la porte
d’entrée de l’immeuble que les gens laissaient claquer sans ménagement. Il fallait aussi se méfier des entrées des garages souterrains et de l’entrée arrière débouchant sur une voie intérieure
qui souffrait d’un va et vient quotidien de camions de déménagement et de livraison. Vous me direz qu’avec autant de critères il était pratiquement impossible de trouver quelque chose. Eh bien
pas du tout. Il y avait de nombreux patios et des jardins intérieurs traversés par de petits chemins.
J’étais assez contente car la résidence était pourvue d’un poste de surveillance à l’entrée et que
dès que certains jeunes se permettaient de faire la bringue au-delà de l’horaire autorisé, il suffisait de téléphoner à la sécurité qui dépêchait (ça leur prenait quand même 15 minutes) quelqu’un
sur place pour les rappeler à l’ordre. Inutile de préciser que je l’ai fait plusieurs fois. Ceci n’empêchait pas cependant l’inconfort des gens qui téléphonaient au moyen de leurs portables sur
la terrasse car à l’intérieur point de réseau. Les américains ont des voix incroyablement fortes qui portent très loin. C’est absolument fou. On se demande d’où ils sortent une telle
puissance : fortes et nasillardes. Les filles parlent presque toutes comme Donald Duck : gna gna gna gna gna. Je dis toujours que pour parler Américain il suffit de parler anglais en se
pinçant le nez.
Pour ce qui est de l’intérieur des bâtiments, on a beau être dans du bois, je n’ai jamais
entendu un bruit de conduites d’eau ni des claquements de portes, tout est comme atténué. Il y a juste le bruit des pas lorsqu’on a un appartement au dessus de soi car le sol est beaucoup plus
flexible que quand il s’agit d’une dalle de béton, mais j’y reviendrai plus tard…
J’étais donc assez satisfaite de l’endroit, jusqu’au jour où la fille de la réservation a voulu se
montrer très gentille et me faire une grande faveur en me donnant un bel appartement au dernier étage (voir la remarque précédente). J’avais pourtant précisé plusieurs fois que je ne voulais rien
d’autre qu’un appartement intérieur. Qu’est-ce que je vois en arrivant ? Vous le devinerez : l’appartement donne sur le boulevard super bruyant. Et ce n’est pas tout…devinez quoi
encore ?!!! La caserne de pompiers !!! Au secours ! Vous savez ce que cela veut dire : alertes au feu jour et nuit et tous les camions qui sortent en une fois sur le pied de
guerre. Le cauchemar absolu. Evidemment quand je lui ai téléphoné atterrée, la fille était des plus confuses mais évidemment ils n’avaient rien de libre pour pouvoir me faire déménager.
Donc voilà j’ai survécu aux pompiers mais boules Quies obligatoires pour dormir, et je ne
compterai pas le nombre de fois où j’ai été réveillée violemment en plein milieu de la nuit. C’est du lourd…très, très violent.
En parlant de pompiers il y a encore un autre phénomène extrêmement désagréable à prendre en compte
dans ce genre d’immeuble : l’alerte au feu. Comme à Los Angeles ils sont obsédés par le feu, il y a des détecteurs de fumée dans toutes les pièces. Le problème c’est que ces détecteurs sont
tellement sensibles que si vous faite la cuisine et laissez brûler quelque chose, branle bas de combat vous déclenchez toutes les sirènes et les pompiers doivent venir inspecter les lieux et
s’assurer qu’il n’y a pas de véritable incendie. Très bien, mais le bruit des alarmes est tellement strident qu’il vous arrache les tympans. Et pas moyens d’y échapper, ça hurle partout. C’est
pourquoi j’ai des boules Quies partout dans l’appartement et la première chose que je fais est de me précipiter dessus pour les enfoncer les plus loin possible dans le conduit auditif. Je ne sors
même plus en cas d’alerte car j’ai appris que de feu il n’y en a jamais juste quelqu’un qui a fait brûler son plat.
Au désagrément de la caserne de pompiers il a fallu ajouter un bruit que nous n’avons pas tellement
l’habitude de connaître en Europe : les climatiseurs.
La plupart des maisons et appartements à Los Angeles sont chauffés et refroidis à l’air soufflé.
C’est à dire à l’électricité. Il apparut qu’au dessus des derniers étages se trouvaient tous les moteurs des circuits de conditionnement. C’est ainsi que tôt le matin ou tard le soir nous étions
réveillés par les vibrations de ces moteurs. C’était insupportable et lorsque cela durait une bonne demie heure cela me rendait folle. On en a averti le service de maintenance qui est passé
vérifier l’installation car normalement elle n’était pas sensée produire autant de bruit. Il s’avéra que c’était le moteur de l’appartement du dessous. Le locataire était absent mais son
thermostat était resté réglé automatiquement et se déclanchait régulièrement le matin et pendant la nuit. Pas moyen de faire grand chose avec ça car ils n’avaient pas l’autorisation pour
s’introduire dans l’appartement en son absence.
Plus de dernier étage S.V.P.
J’allais encore me mordre les doigts par la suite car ce que j’ai connu l’année dernière était un
cran au dessus de tout ce que j’avais pu expérimenter jusque là. Je me suis retrouvé dans un appartement au deuxième et avant dernier étage. A mon arrivée tout avait l’air bien car les gens
au dessus étaient partis. Je pensais que l’appartement était peut-être inoccupé car cela arrive souvent. Très vite je découvris de quoi serait fait mon séjour : de la musique rap à fond à
partir de dix heures du soir et des gens lourds qui sautaient sur le sol, des cris et des rires hystériques à gorge déployée.
La première nuit, je me suis réveillée ahurie avec l’impression que le plafond s’écroulait sur
ma tête et que quelqu’un allait passer au travers pour atterrir sur mon lit. OK, peut-être que c’était occasionnel, peut-être fêtait-on un anniversaire. On n’a rien dit car après tout on n’était
pas les seuls incommodés. Les appartements autour devaient aussi souffrir. Que quelqu’un d’autre se plaigne. Personne ne l’a fait. Cela a duré jusqu’à deux heures du matin.
La nuit suivante, même topo. Je suis réveillée par la musique et des sauts pieds joints (comme si
quelqu’un sautait d’une chaise par terre). J’ai vraiment l’impression que le plafond va s’écrouler. Je téléphone à la sécurité pour me plaindre. Mais téléphoner à la sécurité c’est allumer la
lumière pour trouver le numéro et parler à anglais un mexicain et essayer de comprendre ce qu'il dit. Après ça plus moyen de dormir. En plus c’était la nuit du passage à l’heure d’été donc
j’étais complètement décalée.
Après ces incidents j’ai commencé à me demander quelle bande de sauvages habitait au dessus de chez
moi. J’ai commencé à mener mon enquête. L’un des types téléphonant un jour sur la terrasse j’ai jeté un coup d’œil discret et compris tout de suite ce voix terriblement fortes et ces rires
démesurés : c’étaient des blacks.
Par la suite, un jour en sortant de l’immeuble j’ai croisé une fille - également black avec des
cheveux frisés et carrossée comme un bull - qui parlait dans son portable à voix tellement haute et arrogante que je me suis dit que ce ne pouvait
qu’être elle. D’après ce que j’ai pu encore rassembler comme informations, l’appartement au dessus de moi était un duplex et ils étaient deux couples à se le partager. Donc manque de chance,
juste au dessus de moi il n’y avait pas une simple chambre à coucher mais un living.
Je me suis d’abord rendue dans le bureau de management du complexe pour leur dire que le bruit se
reproduisait pratiquement tous les soirs, que c’était inacceptable. Le type – un jeune loup de l’immobilier – m’a regardé tout le long avec un air qui disait ostensiblement : qu’est-ce
qu’elle vient m’emmerder ici avec son histoire. En effet la société (A) à laquelle je loue l’appartement meublé est différente de la société (B) qui possède le complexe. J’étais cliente de la
société A. Mes voisins étaient clients de la société B. Le type du bureau de location ne semblait pas trop vouloir se mouiller avec ses clients pour moi. Il m’a vaguement promis qu’ils allaient
leur glisser un mot. Ce qui n’a pas eu l’eure de me satisfaire. J’ai donc téléphoné à la société A (qui a vraiment un service clientèle irréprochable) pour leur dire que je n’étais pas
contente : ni de l’appartement, ni de la mollesse avec laquelle la société B comptait gérer ce problème. La société A leur louant quand même une centaine d’appartements ils auraient plus de
poids que moi. Et j’ai ajouté que je voulais impérativement déménager dans un autre appartement. Là je suis tombée sur une fille absolument adorable qui bien que ne pouvant pas me proposer
d’autre appartement pour l’instant (sauf à des endroits où je savais que j’aurais encore plus de bruit) s’est vraiment coupée en quatre pour résoudre mon problème. Elle m’a incité à appeler la
sécurité à chaque fois que ces gens feraient du bruit mais je lui ai fait remarquer que ces gens marchaient et sautaient comme des mastodontes et que je ne pouvais pas appeler la sécurité à
chaque fois qu’ils faisaient un pas. J’ai même remarqué par la suite que la fille avait pris l’habitude quand elle dévalait les escaliers de son appartement d’ignorer les deux dernières marches
et de sauter à pieds joints dans un grand boum.
Donc pour déménager il fallait que j’attende et en attendant il fallait que j’appelle la
sécurité. Ce que j’ai encore fait à trois reprise. Je mettais carrément le téléphone sur le mur pour prouver au type qu’il y avait du bruit car parfois après avoir poussé le volume de leur chaîne
ils arrêtaient d’un seul coup. Il suffisait que le type arrive à ce moment là et en déduise qu’il était victime d’une emmerdeuse et d’une fausse alerte. La société A à quand même alerté la
société B qui a été obligée de produire une lettre d’avertissement. On m’a appris que plusieurs avertissements conduisaient à l’expulsion. Les choses se sont un peu améliorées du point de vue de
la musique et on aurait dit que les femmes étaient un peu plus calmes quand les hommes étaient absents.
Je n’ai jamais déménagé car les locataires de l’appartement que l’on m’avait promis on décidé
d’allonger leur séjour. Mais avec ces gens là, j’ai vu de tout : y compris de faire sécher des baskets dans le sèche linge à deux heures du matin, ça fait : badaboum, badaboum,
badaboum. Ces gens ne dormaient quasiment pas et je ne pouvais même pas me venger en leur rendant la pareille car ils étaient debout dès six heures du matin . Une fois de plus on ne
peut que s’extasier sur autant d’énergie, peut-être aidée d’un peu de poudre…
Si les blacks m’empêchaient de dormir le soir, le matin ce qui me réveillait, c’étaient les
corbeaux. Je vous rassure tout de suite sur le fait qu’Alfred Hitchcock n’était pas aussi génial que vous pourriez le croire. Ce n’était pas si difficile d’inventer le film Les oiseaux. Il a
juste vu une rue de Los Angeles à la tombée de la nuit. Certaines sont envahies de ces oiseaux noirs. Donc voilà : trois corbeaux me mènent la vie dure à 6 heures du matin. Ils
s’introduisent dans les jardins, se perchent sur un arbre et se racontent leur vie. Attention, ce sont des corbeaux américains : ils ont des voix dix fois plus puissantes que nos malheureux
corbeaux européens. Un jour n’y tenant plus je me suis ruée dans la cuisine, j’ai rempli une casserole d'eau, je suis sortie sur la terrasse et j’ai vidé la casserole sur le palmier d'en face.
Wouah, le corbeau : outré, furieux. Il a détallé en me traitant de tous les noms et entraînant ses comparses. Résultat : la paix pendant trois jours, mais après il sont revenus. Le
stratagème a réussi encore à trois reprises avec une grande serviette de bain mais après fini, ils ont compris : oh, c’est rien, juste la folle furieuse gringo là. Laissons la s’agiter elle
finira bien par se calmer... Et il était vrai que c’était très embêtant d’avoir à se lever et à sortir parfois dans la fraîcheur de la matinée pour faire des grands moulinets avec les bras.
Impossible de dormir après ça. Il était nettement plus facile d’enfoncer des boules Quies dans ses oreilles et de les laisser tranquilles.
Une fois de plus j’avais l’impression d’être la seule à me plaindre jusqu’au jour où je me suis
trouvé une amie. Elle habitait en dessous de chez moi mais au rez-de-chaussée, d’origine grecque elle venait de Chicago pour prendre des cours de comédie. Elle m’a rassuré sur le fait qu’elle
entendait les blacks jusque chez elle. J’appris qu’elle aussi se plaignait beaucoup auprès de la copropriété à cause d’une fille qui habitait en face de chez nous et qui passait ses journées à
chanter. Nous plaisantions qu’elle s’entraînait pour The Voice, car apparemment cela faisait des mois qu’elle s’égosillait à chanter constamment la même chanson. Personnellement, je l’entendais
mais elle ne me dérangeait pas tant que ça. Ma collègue du rez-de-chaussée par contre recevait le produit de ses cordes vocales directement dans son appartement et ne pouvait même pas ouvrir sa
fenêtre. Elle se plaignait aussi de sa voisine du dessus que je n’entendais absolument pas mais qui paraît-il laissait son portable allumé par terre en mode vibreur, et s’en servait comme réveil.
Donc dès que son portable sonnait, le plafond en dessous vibrait.
Ce fut la première fois que j’éprouvai un certain plaisir à quitter l’endroit. Il est toujours
agréable de ressentir la liberté de pouvoir échapper à l’emprise de personnes qui ont juré de vous pourrir la vie, car les blacks nous avaient également repérés et s’amusaient à faire des choses
exprès. Je ne suis plus retournée depuis dans ce complexe et je ne sais même pas si je le ferais. J’ai définitivement compris que peu importe l’endroit, on ne peut pas trouver le bonheur dans un
appartement. Dès qu'il y a un voisin c'est le merdier.